En période de confinement – et cela vaut également pour tous les moments de solitude forcée pour diverses raisons, les activités sont automatiquement recalculées. Pour surmonter ce deuil de liberté, rien de tel que l’écriture !
Des lettres aux gens que l’on aime ou pas, jusqu’au manuscrit qu’on a toujours rêvé de terminer sans trouver le temps de la faire en passant par les profils, présentations, fiches à structurer et formaliser sans oublier l’indispensable journal intime qui lave des émotions délétères.
Écrire, c’est explorer l’immensité de ses paysages intérieurs…
1° Le choc et le déni de la page blanche
Certes, il y a le premier mouvement, le sentiment de devoir se lancer sans filet accompagné - souvent- de la petite voix qui prétend qu'on n'y arrivera pas. La rencontre avec la page blanche est comme le pied du mur : désagréable.
Pour la surmonter, il faut écrire en se disant qu'on jettera le premier jet, qu'il sera remanié, corrigé ou abandonné.
L'exercice d'échauffement est essentiel : c'est là que se posent sur la page tous les mots qui nous encombrent parce qu'il ne sont pas les nôtres, ceux qu'on répète car on les a trop entendus, ceux qu'on trace sans y avoir jamais réfléchi dans des habitides sociales injustes et lourdes.
2° La douleur et la culpabilité de ne penser qu’en soi
Ensuite, passés les premiers mots tracés en désordre et qui appartiennent aux médias, on voit s'élever la barrière du jugement : est-ce que ce qu'on écrit est intéressant ? Est-ce que cela vaut la peine ? En interligne : est-ce que "je" vaux la peine ? ou est-ce qu'il vaut la peine que je m'intéresse à moi-même ?
Et le geste est risqué en effet.
Il pourrait révéler des limites, déterrer des souffrances et des douleurs enfouies, voire écorner l'image qu'on a de soi ou qu'on veut donner.
Et pourtant, l'écriture, si l'on y réfléchit bien, part de soi pour rencontrer les autres. Ce mouvement n'est pas gourmand : il se suffit des forces qu'on lui donne.
Voilà pourquoi, à mon avis, on sait écrire bien avant de lire.
3 – Colère, marchandage et dépression
Le texte terminé, c’est au couperet qu’il doit passer. L’œil de la lecture, distancié, écarte la bienveillance au profit de la justesse. Le superflu, la redondance, les répétitions : autant de mots pénibles qu’il convient de supprimer. Les adverbes sont souvent à proscrire, tandis que la ponctuation doit servir l’idée et non pas l’inverse.
Difficile d’être juge et partie, d’abandonner des richesses lexicales ou syntaxiques pour faciliter la communication. En fin de compte, ce lectorat, on ne le connaît même pas. Et pourtant, il faut se contraindre à laisser vivre les mots en dehors de soi, à accepter qu’ils prennent racine dans une autre pensée qui les taillera à son gré, bref à les laisser partir.
4 – Reconstruction, acceptation
La fin du parcours d’écriture est remplie de promesses : après l’angoisse de la page blanche, le désordre des émotions, la rigueur de la relecture, la dernière étape est celle de la reconnaissance. Il suffit de laisser passer une nuit, parfois même de penser à autre chose, ou d’oublier ce texte qui a coûté tant d’effort pour redécouvrir ensuite tout ce qu’il a à dire.
En atelier d’écriture collective, le mouvement d’élévation est celui qui l’emporte. En période de crise, écrire c’est chercher des issues, des solutions, des échappatoires. Consciemment ou pas.
Alors, quand on reste chez soi, se réserver un temps pour écrire, c’est une chance.
En toutes circonstances, l’écriture est une alliée de choix : elle aide à prendre ses distances, à structurer sa pensée, à réfléchir et parfois à briller. Le confinement est une contrainte qui pourrait bien permettre de déployer d’intenses libertés : celle d’écrire en est une.
Au plaisir de vous lire,
Céline, alias Cebedoc.
Image par Carabo Spain de Pixabay